Pénibilité au travail, de quoi parle-t-on ?


Si l’on entend beaucoup parler de la notion de pénibilité, il n’est pas toujours facile de savoir à quoi la notion renvoie. Pour y voir un peu plus clair, jetons un œil sur l’évolution de la notion, et sur la manière dont elle a été appréhendée par le législateur.


Vous vous rappelez peut-être cette petite phrase prononcée par Emmanuel Macron fin 2019, qui expliquait « ne pas adorer le terme pénibilité », arguant que cela donnerait « le sentiment que le travail serait pénible ». Certes, il existe sans doute un point d’équilibre à trouver entre d’une part ceux qui cherchent à tout prix à « enchanter » le monde du travail et d’autre part ceux qui, prenant le mot pour la chose, croient déceler dans l’étymologie du « tripalium » le cœur d’une souffrance, qui serait consubstantielle au travail. Mais au-delà des batailles sémantiques, à quoi renvoie cette notion ? Contextualisons un peu. Sur le plan législatif, la notion a été introduite dans le débat public via les travaux préparatoires à la réforme des retraites de 2003. Elle est issue de deux principaux constats. D’une part, certaines conditions de travail provoquent des dommages irréversibles sur la santé des travailleurs, et d’autre part, la difficulté de ces mêmes conditions contribue à faire sortir du marché du travail les salariés les plus âgés. Toujours est-il que la pénibilité du travail peut recouvrir diverses acceptions, et qu’elle cohabite avec d’autres notions voisines, comme celle d’usure au travail ou de « métiers difficiles ».

Une dimension objective

Une première manière de définir la pénibilité correspond à l’ensemble des contraintes rencontrées par les travailleurs dans leur vie professionnelle, et causant une atteinte durable à leur santé, voire à leur espérance de vie. Pour mieux saisir sa construction, revenons un peu en arrière. En 1975, dans le but de réduire les inégalités touchant certains métiers exposés à des conditions de travail particulièrement usantes, une loi ouvrit la possibilité de toucher une retraite à taux plein à 60 ans (au lieu de 65 ans à l’époque), pour les personnes ayant réalisé – pendant une certaine période – un travail en continu ou semi-continu, à la chaîne, au four, ou exposé aux intempéries. Dans une période plus récente, la prise en ­­compte de la pénibilité par le droit du travail et la protection sociale a connu une première traduction concrète avec la loi du 9 novembre 2010, portant réforme des retraites. Celle-ci instaure une retraite anticipée pour pénibilité, en prévoyant des pénalités, pour inciter les entreprises à négocier des accords ou plans d’action sur ce sujet. Ensuite, pendant le quinquennat de François Hollande, la création du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) a repris dix facteurs de pénibilité qui avaient été listés dans un décret paru en 2011. Avec le but d’ouvrir aux travailleurs qui y sont exposés le droit à des mesures de compensation, via des seuils d’exposition qui, une fois dépassés, permettent d’acquérir des points crédités sur le C3P. Les facteurs de risque suivants ont été précisés :
• les manutentions manuelles de charges
• les postures pénibles 
• les vibrations mécaniques 
• les agents chimiques dangereux
• les activités exercées en milieu hyperbare
• les températures extrêmes 
• le bruit
• le travail de nuit
• le travail en équipes successives alternantes (autrement dit le travail posté, par exemple en 3×8 ou 2×12).