Ce début d’année est l’occasion pour les représentants du personnel de se préparer aux négociations annuelles obligatoires, dites « NAO ».
En raison de la crise sanitaire, l’année 2020 enregistre la pire récession mondiale depuis plusieurs décennies. Une grande partie de l’année 2021 risque d’être tout aussi difficile. Les comptes de la plupart des entreprises seront dégradés. Une contraction de 9 % du PIB est attendue sur 2020. Le rebond de l’économie serait de + 3 % au premier trimestre 2021 et + 2 % au deuxième.
Faut-il pour autant que les élus du personnel « baissent » les bras ? Certainement pas !
Alors, comment aborder cette négociation dans la sérénité, faire valoir son point de vue et éviter toute fin de non-recevoir de l’employeur ?
La NAO : de quoi parle-t-on ?
La négociation annuelle obligatoire (NAO) sur les salaires concerne toutes les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives de salariés. Cette négociation est imposée par le Code du travail : Article L2242-1, modifié par Ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017 – art. 7 :
« Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur engage au moins une fois tous les quatre ans :
1° Une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise ;
2° Une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail ».
Un accord collectif peut fixer une périodicité différente. A défaut, cette négociation a lieu chaque année.
L’employeur qui ne prend pas l’initiative d’engager cette concertation s’expose à des sanctions financières et pénales. Il lui appartient donc de convoquer les organisations syndicales pour négocier.
Comment se déroulent les NAO ?
En général, plusieurs réunions sont nécessaires. Lors de la première, sont déterminés le calendrier des réunions et la liste des documents qui seront remis aux délégués syndicaux. Les délégués syndicaux peuvent également s’appuyer, pour négocier, sur les documents contenus dans la base de données économiques et sociales (BDES). Ils y trouveront de nombreuses informations utiles.
Rappel : les employeurs d’au moins 50 salariés doivent mettre à disposition du comité économique et social (CSE) et des représentants du personnel cette BDES. Elle rassemble les informations sur les grandes orientations économiques et sociales de l’entreprise. La ou les réunions suivantes doivent permettre aux pourparlers d’avancer. Il est important à ce stade que les élus avancent des revendications crédibles et argumentées, c’est-à-dire en phase avec les réalités économiques et financières de l’entreprise. Un argumentaire construit et étayé sera plus difficilement contesté par l’employeur, sauf mauvaise foi… Trop souvent, les élus se présentent devant l’employeur sans éléments concrets ! Tant que dure la négociation, l’employeur ne peut prendre aucune décision unilatérale sur les sujets abordés. Il n’est pas obligatoire d’aboutir à un accord. Si les NAO aboutissent, un accord écrit est signé entre les parties. En l’absence d’accord, un procès-verbal (de désaccord) est établi. Il rappelle les propositions de chaque partie et les décisions unilatérales de l’employeur, éventuellement prises.
Quelles sont les prévisions des économistes pour 2021 ?
Les économistes anticipent un arrêt net et brutal de la progression des salaires en 2021. Poursuite de la pandémie, confinement et incertitude économique persisteront. Les dirigeants surveilleront de très près l’évolution de la masse salariale. Inflation faible, chômage de masse n’inciteront pas les employeurs à être généreux !
Tous secteurs confondus, les budgets prévisionnels d’augmentation pour 2021 divergent selon les cabinets de conseil. Chez Deloitte, ils s’établissent à 1,5 % pour les employés, techniciens et agents de maîtrise, et 1,7 % pour les cadres (contre des enveloppes de respectivement 2 % et 2,3 % octroyées en 2020). Plus optimiste, l’enquête Salary Budget Planning de Willis Towers Watson avance un taux d’augmentation d’au moins 2,4 %, selon la moitié des DRH (contre 2,3 % cette année).
Quels arguments faire valoir pour 2021 ?
En premier lieu, les élus du personnel doivent faire le lien entre la situation économique et financière de l’entreprise et la crise sanitaire en cours. La crise sanitaire a-t-elle eu un impact faible, moyen ou fort sur les performances de l’entreprise ?
Ils doivent mesurer les efforts réalisés par les salariés pendant cette pandémie pour obtenir une juste récompense. Les élus doivent ensuite analyser l’évolution des salaires des dernières années : les salaires ont-ils été gelés ? Ont-ils bénéficié d’un coup de pouce ?
Les élus doivent également intégrer la prise en compte des résultats du calcul de l’index d’égalité homme/femme par des mesures de correction des écarts de rémunération. Une attention toute particulière devra être portée sur l’évolution de la rémunération des dirigeants. Ont-ils fait des efforts pendant cette période difficile ?
On le voit, les négociations annuelles obligatoires (NAO) 2021 s’annoncent difficiles…
par Didier FORNO
pdg de céolis